La capitale était éreintante. Malgré toute l’affection que Linh portait au peuple de Mukesha, son peuple, elle devait souvent se résoudre à admettre qu’il ne lui rendait pas tout le temps. Ce n’était pas qu’ils étaient ingrats, la plupart des paysans qu’elle avait eu l’opportunité de rencontrer lui avaient tous laisser de bonnes impressions. Ils avaient semblé contents de la voir, ne serait-ce que le temps d’une audience. Pourtant, ces bonnes impressions, ces rencontres n’arrivaient jamais à pallier complètement le bourdonnement occasionné par les multiples personnes qui s’y trouvaient. Il était difficile d’ignorer toutes les intentions qui se faisait sentir. Avoir un don était quelque chose de fabuleux, Linh en avait toujours été plus que fière, malheureusement ça ne la protégeait pas contre les contreparties qui l’accompagnait. Il suffisait de repenser au mariage à Ronan qui avait eu comme principal résultat de la vider de son énergie. C’était l’évidence même puisqu’au-delà du nombre de convives qui ne pouvait jamais aider, il y avait eu toutes les grandes têtes des différentes nations. Si la seule présence des Aéliens aurait suffit pour provoquer des migraines, c’était sans compter le comportement d’Iska ou encore celui d’Oligo Gorillan.
Ainsi, il n’était pas si étonnant de la voir délaisser la palais pour un cours moment. Elle ne quittait pratiquement pas l’Amaterasu, trop de choses nécessitaient son attention pour qu’elle se permette de telles libertés. Pour autant cette fois devait être l’exception à la règle puisque ce n’était pas dans les jardins du palais que Linh se dirigea mais plutôt en dehors d’Akishino. Ce n’était pas non plus un simple caprice, ce genre de chose n’étant pas vraiment dans ses habitudes. Certains choses devaient être accomplies dans la région de Mendan. Linh pouvait ainsi joindre l’utile à l’agréable, s’éloignant du brouhaha constant de la capitale pour une région plus agricole et donc plus simple à supporter. Du moins c’était l’intention derrière le déplacement, s’attarder sur quelque chose d’inutile serait ô combien contreproductif.
Malgré tout, en haut de sa liste, trônait tout de même l’envie d’être seule, de se recueillir un moment, mais ce serait un plaisir accordé à la fin de ses autres responsabilités. La première d’entre elle était un passage à l’académie magique pour discuter avec les principales têtes de l’établissement. C’était notamment dans le but de faire suite à la discussion qu’elle avait eu avec Aeon. Le Khan avait soulevé des points intéressants, l’un d’entre eux était l’apprentissage des mages dans l’optique que certains d’entre eux souhaitent se joindre à l’armée. Si la reine devait admettre avoir une certaine réticence à voir des mages prendre leurs armes - plus ou moins symboliquement parlant - et risquer leur vie en raison, elle ne pouvait pas pour autant nier l’avantage que des mages pourraient leur donner. Certes les dons pouvaient être neutralisé par le Laen, mais il était fort peu probable que tous les soldats d’Aelius aient accès à de telles armes. Par conséquent, il était bien de considérer l’avantage à acquérir. Sauf que comme toutes discussions dignes de ce nom dans un royaume divisé sur bien des questions, les rencontres semblèrent interminables et éreintèrent Linh plus qu’autre chose. Un énième rappel qu’elle avait besoin de repos. Un repos qu’elle avait trop repoussé pour son propre bien.
C’était finalement ce qui expliquait sa présence aux chutes de Denrya. Le bruit de l’eau lui offrait une quiétude dont elle ne pouvait pas profiter si facilement. Sa présence de bonne heure s’expliquait également par un souci de solitude. Non seulement, il y aurait ainsi moins d’intention à capter involontairement, mais c’était aussi le seul moyen de convaincre les Mains d’or de la laisser seule, ne serait-ce qu’un moment. C’était compréhensible, ils avaient après tout été acheté pour protéger la famille royale contre toute tentative d’assassinat et il semblerait que leur travail ait été exemplaire en la matière. Il était pourtant lassant d’avoir toujours quelqu’un dans les parages à surveiller les moindres faits et gestes de quiconque se trouvait dans leur champ de vision. C’était loin de la solitude qu’elle recherchait pour se ressourcer. Elle avait finalement eu le dernier mot - l’inverse aurait été étonnant - et pu se diriger vers un bassin d’eau non loin des chutes.
C’est là qu’elle le vit. Lui. Autant l’admettre d’entrée de jeu, c’était quelque chose qu’elle n’avait pas su prévoir et la surprise était-elle qu’elle filtra sur son visage pendant un court moment. Que pouvait-il bien faire là ? C’était bien une question à laquelle elle n’avait pas de réponse. C’est donc en silence qu’elle le fixa, ne cherchant pas à se camoufler d’une quelconque manière que ce soit. Il l’intriguait, sans doute plus qu’il ne le fallait. Elle avait été bien naïve en refusant D’être accompagnée par un membre des mains d’or, cela était certain. C’est finalement le prince ennemi qui prit la parole, Linh se contentant de décroiser les bras en écoutant chacun de ses mots. Il réussit tout de même à lui arracher un sourire, plus rapidement qu’elle n’aurait pu le croire. Peut-être était-ce sa façon de dire son prénom là où l’étiquette aurait sans doute appelé à autre chose.
« Il me semble qu’il serait plutôt à moi de vous dire cela, Alfio. » Elle l’avait imité, naturellement, sans cherché à camoufler plus que nécessaire son amusement. Il fallait dire que rencontrer le prince de l’Empire n’avait pas fait partie de sa fameuse liste, ni même des hypothèses les plus farfelues qu’elle aurait pu formuler.
« Je crains que c’est bien la vie qui adore nous jouer des tours. » La preuve, le recueillement tant attendu ne viendrait pas immédiatement. Enfin, pour une telle rencontre, elle pouvait bien faire une croix sur ses envies de solitude.
Retrouvant par la suite un silence, Linh se contenta d’observer le prince. Il était évident qu’il ne comptait pas sortir les grandes pompes et l’étiquette. C’était différent de ce qu’elle avait l’habitude, sa vie étant régie par un certain nombre de règles qu’elle suivait sans se questionner plus que nécessaire. Ça semblait être le prix de son rôle, mais peut-être pas pour cette fois.
« Le plaisir est partagé. » Le tout avec un geste de tête, sans plus de cérémonie. Ce n’était sans doute pas appelé par la situation alors que le prince était dans l’eau. La question de la raison de cette présence revint rapidement dans l’esprit de la reine, qui dut la chasser à nouveau, faute de réponse intelligente. Il semblait impossible de croire qu’il était seul et pourtant, c’était bien ce qu’il affirmait, la surprenant à nouveau. Rien ne contredisait cette affirmation, quand bien même elle était plus que difficile à croire. Était-ce le lot des Aéliens de croire qu’il pouvait pénétrer les frontières d’autrui impunément ? Il aurait alors été si facile d’appeler les mains d’or qui l’avaient accompagné pour qu’il le capture. L’envie fut présente l’espace d’un instant, avant que le bon sens ne revienne en lui rappelant qu’un tel comportement entrainerait assurément le déclenchement de la guerre, cette même chose que le prince avait affirmé ne pas vouloir faire.
« Je ne m’inquiète pas le moins du monde. » Elle était, après tout, en plein contrôle de la situation. Le fait qu’aucune intention violente ne venait à Linh de sa part aidait grandement la chose. Elle estimait pouvoir lui faire confiance, une sensation bien particulière, considérant qu’il s’agissait de l’ennemi.
« J’espère que l’eau est bonne. » C’était léger, anodin comme discussion, bien loin de ce qu’elle devait dire dans une telle situation. Elle ne s’en préoccupait pas vraiment, s’approchant du bassin avant de retirer ses bottes pour s’assoir en laissant ses pieds entrer dans l’eau. Se baigner était tentant, mais vu les circonstances pas forcément recommandable.
« Alors qu’est-ce qu’un pauvre homme seul peut bien venir faire ici ? » Ici voulant dire les terres de Mukesha, mais surtout les chutes elle-même. La présence du principe intriguait Linh, le mince sourire qui s’était dessiné sur ses lèvres le montrait amplement.
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