Avec un soupir, elle positionna l’aiguille à nouveau avant d’en traverser le tissu, puis répéta l’action deux, puis trois fois, avant de réaliser que la distance entre les points était ridiculement inégale. Un soupir, puis elle s’affairait à nouveau à effacer les traces de son travail. Elle crut un instant qu’elle y passerait la journée, mais elle ne trouvait pas d’autres activités qui puissent occuper à la fois ses gestes et ses pensées.
C’était sans compter sur l’interruption d’un jeune homme inconnu.
Complètement nu, de surcroît.
Que - ?!
Si lui-même semblait interdit, elle crut bien qu’elle en perdrait sa mâchoire. Figée sur la chaise qu’elle occupait dans une immobilité à en faire jalouser les statues, ses yeux étaient obstinément fixés sur son visage, son cerveau peinant à comprendre la situation, pour diverses raisons. Même les paroles de l’étranger ne faisait aucun sens, d’autant plus qu’il considérait son accoutrement parfaitement normal. Comment pouvait-il normal de ne porter qu’un chapeau—non non, elle ne descendrait définitivement pas les yeux, elle s’en fichait de savoir s’il portait des chaussettes ou non en plus, elle voulait simplement se sortir de cette ridicule situation. Le danger de celle-ci, déjà, lui paraissait évident : dans sa demeure se trouvait un inconnu qui, outre sa tenue douteuse, était clairement entré par infraction, sous le nez des gardes et des domestiques, pour des raisons qu’elle ignorait encore. Elle se redressa quelque peu sur sa chaise, prête à réagir comme elle le pouvait au besoin, mais réalisant à quel point elle avait une meilleure vue ainsi, elle ne put s’empêcher de détourner la tête malgré tout le danger de la chose. Elle devait facilement être rouge tomate, si la chaleur qu’elle ressentait partout sur son visage en était une indication, et elle était bien proche de crier à l’aide, ou du moins dans le but d’avoir l’attention de quelqu’un qui serait en mesure de gérer la situation avec plus de calme qu’elle. C’était déjà un miracle que le choc l’ait privé de sa voix. C’en fut un autre qu’elle l’écouta plutôt que de tout simplement prendre la fuite, surtout avec les propos qu’il glissa dans la conversation, mine de rien, sur sa propre apparence. La dernière chose qu’elle voulait actuellement était les compliments d’un goujat – car, oui, elle s’était déjà fait son propre avis de l’homme. Victime du sort ou non, s’infiltrer dans la demeure d’une dame et se présenter devant elle avec comme seul habit un chapeau, à en faire des plaisanteries avec une nonchalance incroyable, ça en choquait Ophelia bien plus que les mots ne pouvaient le décrire.
Il faisait pitié, tout de même, à voir ses gestes apaisants et son expression désolé. Une pensée qu’elle regretta dès qu’il tenta de marchander la paix, sortant expressions de mauvais goûts l’une à la suite de l’autre avec un amusement notable. Il avait au moins le mérite de créer chez la jeune Thorpe une exaspération et un malaise qu’elle n’avait que très peu ressenti dans sa vie, sinon pas du tout. À la fin de ses paroles, elle n’en peut plus, jetant de toutes ses forces le tissu qu’elle tenait dans ses mains crispées sur l’inconnu qui le reçu directement en plein visage, mais qui était ainsi finalement couvert, permettant à la noble de le regarder un peu plus directement.
D’accord, d’accord, j’ai compris, mais par pitié, couvrez-vous!
L’exaspération et la panique faisait monter sa voix dans les aigus, ses yeux inquiets osant à peine le quitter pour évaluer sa position dans la pièce. La porte était beaucoup trop loin à son goût, le chemin bloqué par ce dénommé Ryner, et bien que celui-ci ne paraissait pas particulièrement violent, toute manière de se tirer d’une situation aussi embarrassante lui semblait bonne.
J’ignore par quelles circonstances vous en êtes venu à entrer dans cette demeure en particulier, mais vous n’avez rien à faire ici. Je vous donne de quoi vous vêtir convenablement, et vous repartez d’ici. C’est tout ce que je demande.
Informations croustillantes ou non, elle n’avait définitivement pas en tête de profiter d’une telle occasion dans la situation actuelle. Par quel humour douteux Raijin lui avait-il envoyé un tel énergumène??