Une pluie diluvienne s'abattait sur Casalta ; le ciel était voilé d'une sinistre robe. Les rues habituellement actives se noyaient dans un silence plat, presque terrifiant, et ne présentaient aucune forme de vie. L'obscurité devenait opaque, s'emparant de la vue d'Unei au rythme de ses pas incertains. Ses dernières forces s'évaporaient un peu plus à chaque nouvelle seconde. Son état déplorable allongeait considérablement sa conception des distances, si bien que le palais lui paraissait à des journées de marche. En réalité, il ne lui restait déjà plus que les quartiers environnants à franchir.
Ses membres se soulevaient avec dure labeur, dans des râles incessants de douleur, affaiblis en continuité. Les soldats de garde, apercevant une silhouette si menaçante s'approcher du château dans la pénombre, pointèrent machinalement leur lance à sa gorge, sans prendre la peine d'éclaircir son identité. Peu habitués à la voir ainsi sous sa forme alternative, ce ne fut que lorsqu'elle s'avança davantage, sans réaction hostile, qu'ils comprirent qu'ils n'avaient pas affaire à n'importe quoi, encore moins à un monstre éloigné de son territoire - déjà que le songe était absurde. Cette dernière regagna son allure originelle, s'effondrant aussitôt de fatigue.
Ces hommes avaient de très bons réflexes, même si tard, puisqu'ils réussirent à la rattraper in extremis, la soutenant sur leur épaule, mais elle n'était déjà plus consciente pour marcher de son gré. Pris de panique, les portes s'ouvrirent dans un fracas, alertant tout le hall.
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« Nous avons besoin d'aide médicale, et vite ! »________
Plus tôt dans la journée..
Sous la requête de l'Impératrice, la marquée explorait l'une des vastes cavernes parsemées en Aelius, réputées pour leurs trésors minéralogiques comme pour les créatures qui en faisaient leur nid ; et c'était justement la raison de sa venue. Les araignées des cavernes développaient une soie particulièrement rigide et ductile, ce qui en faisait une denrée très prisée pour la confection de tissus. Sa tâche était simple : en ramener une quantité satisfaisante.
Cependant, rien ne se déroula comme espéré.
De lourds pas résonnaient entre les cloisons de roche froide, à en rompre la mélodie de l'eau ruisselant et chutant, lentement, goutte par goutte sur le sol. Vifs, pour ainsi dire en pleine course, ils n'avaient rien d'humains.
Sa lame fétiche coincée entre ses mâchoires, la dragonne au cuir opalin prenait la poudre d'escampette, poursuivie par une folle armée de ces insectes à huit pattes, qui plus est accompagnée de leurs générales, une dizaine de fois plus imposantes, et surtout, plus dangereuses. En preuve le sang qu'elle semait sur son chemin, s'échappant de plusieurs zones de son corps à la fois, dans un flux remarquable.
Malgré ses blessures, elle n'eut sur l'instant aucun mal à trotter jusqu'à s'extirper loin de cette antre infestée, propulsée par l'adrénaline causée par le danger. Une fois persuadée de n'avoir aucune mauvaise surprise en se retournant, la mage ralentit, allant s'avachir lamentablement au pied du premier arbre venu, dans un souffle puissant qui secoua l'ensemble de son abdomen. Elle reprit sa véritable apparence afin de constater ses dégâts sous un meilleur angle ; elle ne pouvait s'aventurer plus loin, ni retenter sa chance, ce serait tout bonnement suicidaire. Simplement rentrer semblait également difficile au vu des circonstances, et la capitale ne se trouvait pas être la porte à côté.
Des morsures saupoudraient sa peau le long de ses mollets ainsi que ses avant-bras de traces minimes, bien qu'un chouïa gênantes. Le plus profond mal se situait au niveau de ses côtes ; tandis que les petites bestioles lui grimpaient dessus pour la grignoter, l'une des mères avait bondi du plafond, et malgré une esquive, ses longues griffes acérées avaient tout de même atteint leur cible de plein fouet, la tranchant de façon sévère. Son armure avait beau être d'une épaisseur appréciable, elle n'était pas spécialisée pour le combat face à de si gros ennemis.
La conclusion fut dure à avaler : elle avait échoué, sa quête de récolte s'était transformée en embuscade ravageuse. L'image du doux visage de la souveraine se projetait déjà dans son esprit, se déformant avec l’amertume et le mécontentement à l'écoute de ce rapport.