Histoire :
ASTRA'S THEME ♦ Our fate is under the rain-
Félicitations, c'est une fille ! Après des minutes de douleur intenses, des cris et de la haine, un charmant bébé voit le jour un certain vendredi 13. Dorlotée, admirée par une mère venant de mettre au monde son second enfant, Sitara semblait malgré tout perturbée par un détail : le nouveau né au nom d'Asuka ne pleurait pas. Le silence régnait et, depuis cet instant, ses parents ont toujours eu l'impression qu'elle regardait ailleurs que la réalité face à elle.
Lorsque sa croissance s'est manifestée, la famille Traenheim a rapidement compris à quoi ils étaient confrontés : leur seconde fille était dotée d'une intelligence hors-norme pour un si jeune enfant. Asuka apprenait à marcher en une rapidité étonnante, connaissait l'alphabet, savait compter avant son premier jour d'école et surpassait les autres dans tous les domaines scolaires, si bien qu'elle a sauté une classe pour rétablir un niveau égal à ses aînés. Le résultat reste le même : elle est la meilleure de sa promotion, félicitée par ses professeurs à chaque année scolaire et détestée par un nombre incalculable d'envieux. Sitara fondait tous ses espoirs en sa tendre cadette tout comme le père de famille, Caim Traenheim, un aélien installé en Mukesha depuis de nombreuses années afin de poursuivre sa carrière durement méritée dans le Bureau des Commerces à Il Fan. Son stoïcisme, sa droiture d'esprit et son obsession pour le travail lui permettaient d'acquérir un respect conséquent malgré ses origines et son union avec une femme non-loin du danger constant.
Asuka ne se rendait aucunement compte de toutes les péripéties qui l'attendaient ainsi que de sa situation familiale. Son visage pâle, ses cheveux blancs argentés et son regard rosé prouvaient sans aucun doute possible ses origines croisées à côté des élèves à la peau plus mate. Sa manière de réfléchir agaçait ses camarades alors que son habitude pour chercher les moyens les plus efficaces afin de se faire accepter passaient inaperçus. C'était simplement une petite fille en manque d'amis ; une petite fille surdouée aimant la compagnie, déprimant à force de trop réfléchir. C'est pour cela qu'elle s'enfouit dans les activités extra-scolaires vers ses sept ans, expérimentant toutes sortes d'occupations avec des roturiers, des artistes de rue ou des mercenaires jusqu'à enfiler ses premiers chaussons et se laisser emporter par l'amour de la danse. Le combat ne l'intéressait guère, elle sentait simplement qu'elle voulait être spéciale et être regardée par les autres. Même si elle gardait quelques heures de libre pour savoir comment se défendre avec une arme ou ses poings sous obligation de son père, elle les séchait bien trop souvent pour trouver sa seconde révélation : le violon.
Grâce à ces deux approches de la musique, Asuka est devenue une fille bien plus heureuse. Les mauvais caractères des élèves ayant refusé son amitié ne l'atteignaient plus comme avant, elle s'était même fait des amis danseurs qui s'intéressaient à ses journées ; bien plus que son père ou ses camarades. Sa famille plutôt aisée lui permettait cet épanouissement, or elle oubliait qu'une autre personne se trouvait dans son ombre et lui vouait une haine chaude et environnante.
Lilith, sa grande soeur.
Les deux n'ont jamais été excessivement proches, bien qu'Asuka tentait de la comprendre et de créer une affinité avec celle-ci - chose que Lilith a toujours refusé. Lorsqu'une occasion de la briser ou de la surpasser se présentait, elle usait de ses vices pour attendrir sa cadette et ainsi amener les torts sur elle : Un vase cassé ? C'est de la faute d'Asuka. De l'argent volé ? C'est de la faute d'Asuka. Un propos déplacé ? Toujours Asuka. Pourtant, Asuka n'a jamais riposté. Son père semblait vouloir croire aux mensonges de l'aînée, presque comme si le père et la fille jouaient au même jeu. La plus petite de la famille énervait tout le monde, hormis sa mère qu'on n'écoutait quasiment jamais au risque que cela coûte cher. La surdouée a donc continué à danser et à jouer seulement sous la surveillance de Sitara et l'écuyer qui l'accompagnait jour et nuit.
C'est finalement à ses onze ans qu'elle comprend pourquoi les Traenheim sont tant protégés et parfois en difficulté financière en fin de mois. Pourquoi on la regarde différemment. Pourquoi il faut se sentir en danger.
- «
Votre mère ne peut plus rester à Mukesha. »
Ces mots lui ont fait l'effet d'un poignard dans le coeur.
- «
Pourquoi ? -
Cela fait des années qu'un certain clan nous fait du chantage à cause du mariage de ta mère et moi. Nous ne sommes juste pas les bienvenus. »
Caim avait beau être exécrable, impénétrable et distant envers ses enfants, son mariage avec une mukeshin et ses procédures pour protéger Sitara prouvaient qu'il connaissait le mot «
amour ». Les circonstances sont peut-être une raison de son attitude envers sa famille. Pourtant, il demeurait neutre.
Les adieux sont déchirants, Asuka refuse de laisser sa mère s'en aller. Elle comprend, elle sait qu'elle est en danger et que plus personne ne peut la défendre. Elle ne sait pas pourquoi, mais un sentiment ignoble envahit son corps : celui de ne plus pouvoir revoir la seule personne qui lui donnait du soutien. Ce n'est qu'un an plus tard, après son douzième anniversaire, que les Traenheim apprennent par une lettre anonyme que le destinataire, malgré des tentatives de protection, a vu Sitara mourir sans avoir pu expliquer les raisons d'un tel événement. Ce soir-là, Asuka a pleuré dans les bras de Lilith et de son père pour la première et unique fois.
l'année suivante, la suite du chamboulement de sa vie est arrivé. Même si elle ne me voyait pas encore, j'arrivais pas à pas, doucement, à ses côtés. Si sa famille la pensait ailleurs, évasive, rêveuse, c'était en partie à cause de moi. Son don n'était pas encore entièrement évolué dans son organisme, mais dès sa naissance, j'ai été lié à cette petite sans savoir pourquoi.
C'était un rare soir de pluie, après son dernier cours de violon de la semaine. Asuka marchait doucement sous la capuche de son imperméable blanc, écoutant le son des gouttes tomber contre ses vêtements. Elle n'arrivait plus à jouer durant ses cours et même en dehors. Aucun son n'arrivait à s'échapper. La danse ne lui apportait plus le même plaisir et elle s'efforçait presque à réussir ses arabesques. C'est là que je suis apparu pour la première fois. Plus grand qu'elle à l'époque, elle effectue un mouvement de recul sans aucun mot. Je me trouvais là, marchant devant elle, sans aucune déficience. Avant qu'elle soit consciente de son pouvoir, je ne me retrouvais pas tous les jours à suivre son quotidien ; je vivais un trou noir pendant des mois et, sans que je le décide, j'apparaissais ici sans raison apparente. Là, la situation était différente : j'étais voué à rester avec Asuka jusqu'à son dernier souffle, ou tant que sa marque perdurait dans sa nuque.
- «
Qui es-tu ?-
Disons... un ami. Appelle-moi Akos. -
Je m'appelle Asuka.-
Je sais », répondé-je suivi d'un rire.
C'est à partir de notre première rencontre qu'Asuka a définitivement atteint une maturité étonnante - ou maudite. En discutant avec moi dans son salon, elle a fini par comprendre que seule elle avait la capacité de me voir. Elle a tenté de l'expliquer à son père, il n'a rien voulu savoir. Don ou non, elle devenait un trop gros danger s'ils l'apprenaient. Sous l'accord immédiat de son aînée, Asuka est rapidement envoyée à l'Académie Magique Mukeshin où elle logera jusqu'à dix-huit ans. Ces cinq années d'apprentissage n'étaient pas chose facile, beaucoup d'étudiants commençaient à la qualifier de « schizophrène » plutôt que « mage » : c'est ainsi que la rumeur a commencé à se répandre. Heureusement, les professeurs ont persévéré, ayant ressenti la dose de magie suffisante en elle pour enfin ne faire qu'un avec moi. Durant ses études, nous avons tous les deux appris que j'étais capable d'entrer dans son corps et l'utiliser à ma guise comme s'il s'agissait du mien, bien qu'elle reste consciente à l'intérieur. Ce détail me donnait parfois l'impression d'être encore en vie, mais je ne pouvais abuser de cette chance sous peine de tuer violemment mon amie. Je l'ai souvent mise en danger lors de ses premiers essais, mais elle a toujours tenu le coup. Malgré de grave saignements, des vomissements ou des brûlures, Asuka a continué de croire en moi, en nous, et à persévérer. Comme à chacune de ses écoles, elle était entourée d'une jalousie étouffante grâce à ses progrès remarquables, mais ce n'est pas pour autant qu'elle devait se laisser aller. La magie est un domaine bien plus aléatoire et sa qualification en tant que surdouée ne lui apportait presque aucun bonus.
Un an avant sa sortie définitive et la fin de sa formation, nous avons reçu plusieurs lettres d'un dénommé « Herman ». Le visage de mon acolyte s'est aussitôt illuminé : ce prénom lui était familier. Il s'agissait d'un des anciens écuyers de la famille, payé pour les protéger d'une menace invisible. Un mystère parmi tant d'autres dans son existence venait de s'estomper : de sa plume, il lui avait raconté toute la vérité. La vérité que Caim n'a jamais pu énoncer, la vérité que Lilith a sûrement dû lui cacher pour qu'elle soit amenée à être en danger.
Sitara était une Nasrin. Ni plus, ni moins.
Cousine de l'ancien chef de clan d'il y a plus de dix ans, son mariage avec un aélien lui a créé une réputation plus que désagréable au sein du peuple réputé pour son racisme et son animosité envers les idées allant contre leur sens. Sitara a été expulsée des Nasrin, et toute cette protection que son père avait engagé devait les protéger coûte que coûte des menaces que Sitara recevait souvent. Personne ne s'était montré pendant plusieurs années, mais le chantage et les lettres imprégnées de haine sont réapparues après la naissance de Lilith, obligeant toute la famille à s'excentrer d'Akishino. Pendant dix-sept ans, une épée de Damoclès régnait au-dessus des Traenheim jusqu'au jour où Sitara, après un ultimatum définitif durant une dernière correspondance, a décidé de mettre un terme à ce manège interminable. Nous avons eu le fin mot de l'histoire ce jour-là ; la naissance de Lilith et Asuka n'a jamais été acceptée. Le clan n'a jamais pu voir leur visage mais la cadette ne pouvait se mettre davantage en scène dans son pays natal. Pour l'honneur de sa mère, elle décide donc de vivre publiquement et quotidiennement en rétractant les syllabes de son nom, rappelant celui de sa génitrice lié aux étoiles : Astra. Si Asuka est une personne calme, dévouée et optimiste, Astra reste la marque d'un affront qu'elle n'a jamais digéré.
Une fois sortis de l'Académie, la grande vie démarrait enfin. Le caractère étrange d'Astra ne plaisait pas à beaucoup de monde, mais cela lui importait peu. « Ces gens ne sont pas bon pour moi s'ils n'acceptent pas mon excentricité », c'est ce qu'elle affirmait souvent. Par la suite, elle a acheté une agréable maison non-loin du désert Surya avec ses économies et a repris ses deux passions premières. Astra était ressourcée, et je la suivais aveuglément dans ses péripéties. Je la compare toujours à une sorte de justicière folle, aidant et faisant fuir n'importe qui. Dans tous les cas, elle ne sera jamais seule car
je suis là.
Il y a cependant un dernier événement que je n'ai pu empêcher. Invisible comme présent, je suis voué à être spectateur pour l'éternité - hors occasions. Astra a terminé la métamorphose de son être à l'âge de vingt-deux ans, après avoir été retrouvée par sa soeur Lilith, elle en ayant vingt-huit. Une lueur d'espoir s'est emparée d'Astra avant que son propre sang tente de l'assassiner dans son sommeil.
- «
Asuka, RÉVEILLE-TOI ! »
Mon hurlement paraissait si fort que Lilith avait donné l'impression de l'entendre. Astra a réussi à éviter le coup de couteau de son aînée puis à la faire valser sur le lit grâce à leur différence de taille. Même si elle était la cadette, Astra faisait vingt centimètres de plus qu'elle. Malheureusement, cela n'a pas stoppé sa fièvre meurtrière, obligeant Astra à se battre contre la dernière personne sur qui elle voulait poser la main. Cette haine fraternelle ne s'était donc jamais estompé et je ne pouvais rien faire pour stopper cet affrontement, si ce n'est demander à mon acolyte d'entrer dans son corps.
- «
Asuka, laisse-moi t'aider !-
Non Akos, je dois régler ça toute seule !-
Akos... ? Alors comme ça, t'es toujours aussi tarée ? Pourquoi est-ce qu'une folle comme toi a toujours eu les mérites d'être plus belle et intelligente, hein ?! Tu ne méritais que la mort de toute façon ! MEURS ! MEURS ! MEURS, BORDEL ! CRÈVE ! »
Lors de la dernière tentative de Lilith, le regard apeuré d'Astra m'a autorisé à fusionner nos corps. Son long manteau blanc s'est coloré en noir, présence-même de la mort. Je n'ai eu que quelques secondes à utiliser pour la contrer, attraper son arme et lui couper la main pour punir ses pêchés. Face à ce geste, Astra m'a immédiatement repoussée de son âme. Je savais qu'elle m'en aurait voulu, mais en toute honnêteté, j'ai toujours détesté cette face de rat. Le poignet ensanglanté, l'aînée a préféré fuir après une énième menace de mort. Je n'ai trouvé derrière moi qu'une Asuka Traenheim dévastée, recroquevillée contre elle-même tel un enfant en crise d'asthme. Je ne pouvais rien faire, seulement la prendre dans mes bras pour l'assurer que je la protégerai à jamais.
Depuis lors, Astra se fie à moi. Sa fascination pour autrui ne s'est pas envolée, elle est juste abimée. Sa tâche de naissance sur la cheville gauche, similaire à celle de Lilith, fait face à une cicatrice sur la droite dû à leur affrontement. Les passants la croient schizophrène et ne comprennent pas comment elle peut avoir facilement froid dans une nation où le soleil règne en maître. Par moments, elle s'entraîne encore à la danse et au violon lorsque nous sommes de passage à Il fan, mais son choix a été de découvrir de tous nouveaux horizons. Le métier de cartographe lui paraissait excellent pour profiter des voyages à travers Hypérion, et l'héritage de sa mère lui permettait de vivre raisonnablement sans profiter de cette somme qui pourrait lui servir n'importe quand ; elle tente quand même de trouver quelques petits emplois lors de ses séjours pour ne jamais être à court. On ne la garde jamais très souvent, mais cela lui permet d'expérimenter et de vivre tout en travaillant sur ses cartes. Un nouvel objectif nous attend avec ces voyages : Savoir qui je suis, pourquoi elle et moi sommes liés et comprendre son don - ou plutôt sa malédiction.
Astra est maudite mais ne cesse de me répéter qu'elle m'aime quand même. Je dois être le défunt le plus chanceux du monde.